Sous la forêt: Pour survivre il faut des alliés by Francis Martin

Sous la forêt: Pour survivre il faut des alliés by Francis Martin

Auteur:Francis Martin [Martin, Francis]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Science, General, Earth Sciences, Science et technologie
ISBN: 9782379310058
Éditeur: Humensis
Publié: 2019-01-07T23:00:00+00:00


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LE LACCAIRE,

AMI OU ENNEMI ?

« À l’opposé de toutes les images d’Épinal, qui montrent la recherche scientifique comme un archétype de travail méthodique, conquête systématique et contrôlée de l’inconnu, c’est l’errance et la contingence qui y sont la règle. »

« Le chercheur, le crack et le cancre », Impasciences,

JEAN-MARC LÉVY-LEBLOND

Une fois encore, je parcours à l’automne les sous-bois de la forêt domaniale des Élieux afin d’en inventorier l’extraordinaire richesse mycologique. Ici, le sapin des Vosges s’épanouit pleinement sur les ubacs humides qui s’échappent vers le lac de Pierre-Percée, en contrebas. Je suis dans les Vosges, mais je pourrais me croire au Canada. La sombre sapinière est joliment éclairée par les hêtres et les bouleaux, parés des ors de l’automne. Les sols acides de grès rouge, la diversité des arbres, la forte humidité favorisent une explosion de champignons. Les vagues de chaleur de l’été, les pluies abondantes de septembre et l’été indien de ce mois d’octobre ont provoqué une succession inhabituelle de poussées de champignons. Des milliers de fructifications émergent de la litière et s’épanouissent sur les troncs moussus. En quelques dizaines de minutes, j’ai photographié quelques beaux spécimens de laccaires améthystes, de mycènes tachées, de cèpes et bolets, de chanterelles en tube, de cortinaires semi-sanguins, de pleurotes en oreille, de pieds-de-mouton, d’amanites rougissantes, d’amanites tue-mouches, d’entolomes de Mougeot, d’ungilines marginées, de lactaires et de clavaires. Puis je quitte les sous-bois pour emprunter le chemin forestier, à la recherche d’un champignon qui fructifie le plus souvent sur les talus herbus et sablonneux en bordure de forêt, le Laccaire bicolore (Laccaria bicolor). J’en repère vite une belle colonie comportant plusieurs touffes sur le sol nu, en lisière d’une plantation d’épicéas mêlée de hêtres. Ce laccaire est facile à reconnaître avec son chapeau de trois à sept centimètres, hémisphérique devenant vite convexe, à marge très ondulée, de couleur brun-rose. Sous le chapeau, les lames sont espacées, doublées de lamelles, de couleur lilas. Le pied est long, tordu, fibreux, de même couleur ou un peu plus foncé que le chapeau et, surtout, je m’assure que la base du pied est bien de couleur lilas. Pourquoi donc s’intéresser tout particulièrement à ce champignon ? C’est un comestible sans grand intérêt et il n’a pas la majesté des amanites tue-mouches ou des cèpes qui l’entourent. Pourtant Laccaria bicolor est une star parmi les mycètes : il a fait la une des journaux et sa photo est reprise par les réseaux sociaux ; c’est le premier champignon « à chapeau » et le premier champignon mycorhizien dont le génome a été séquencé. Cet humble représentant de la tribu des Agaricales mérite bien que je vous raconte comment il est devenu célèbre car, finalement, c’est moi qui l’ai poussé sous les feux de la rampe.

Il faut avouer que mes étudiants ont souvent bien du mal à me croire quand je leur raconte comment ce petit champignon a acquis sa notoriété internationale. Cette histoire débute un soir de juin 2003, au bord du golfe de Botnie, au nord-est de la Suède.



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